• Le Jardin des Merveilles

  • Concours, Festival International des jardins de Chaumont-sur-Loire

 

 

Le Pouvoir des Fleurs

Celui qui fait éclore la fleur travaille si simplement. Il y jette un regard, et la sève de vie s’écoule dans ses veines. Dans sa Corbeille de fruits, Rabindranath Tagore rappelle que les femmes ou les hommes vivent avec les fleurs, les regardent, les hument, les mangent parfois ou les cultivent pour se soigner, mais les fleurs sont nées bien avant l’apparition des humains, existeront peut être après leur disparition et peuvent coexister avec eux sans leur aide. A l’inverse, depuis des milliers d’années, les grecs, les latins, les arabes, entre autres peuples, ont utilisé les fleurs de manière empirique pour les “aider” à rester en bonne santé. Hippocrate dans son Corpus Hippocratum décrit, pour chaque maladie, le remède végétal adéquat et lance la base de l’allopathie -contraria contrariis curantur: les contraires soignent les contraires- et de l’homéopathie -similia similibus curantur: les semblables soignent les semblables- en soulignant de laisser d’abord laisser faire la nature. Dioscoride, dans son De materia medica répertorie des centaines de drogue d’origine végétale, minérale ou animale et crée le terme de botanikos à partir du mot botané signifiant herbe ou herbe à pâture. Si Adam a nommé les plantes, c’est Carl von Linné, en 1753, qui, dans son Système de la Nature classe en deux embranchements les fleurs: les cryptogames (où les organes mâles, les étamines, et les organes femelles, les pistils, sont invisibles à l’oeil nu) et les phanérogames (où ces organes sont visibles). Il leur donne leur dénomination actuelle qui sert aux botanistes et aux homéopathes, le latin étant la langue internationale pour ces deux activités scientifiques et médicales. Maintenant nous connaissons la composition chimique des fleurs et savons à quel constituant est due leur action. Parmi les plantes china, le quinquina, a une place particulière car c’est à partir d’elle que Samuel Hahnemann a créé l’homéopathie actuelle avec les dilutions de teinture mère alcoolique, la substance même de la plante, pour enlever le côté toxique de certaines plantes. Au niveau esthétique, la fleur exprime une fascination irrésistible et incompréhensible à la raison. Notre instinct nous pousse à la cueillir, à la posséder et à la désirer de plus en plus belle, plus grande, plus colorée, plus parfumée. C’est cela qui génère la recherche de nouvelles variétés botaniques. Le projet vise à examiner un autre aspect et veut encourager les visiteurs à découvrir le pouvoir le plus caché, plus profond et imprégnant des fleurs.

Le Jardin des Merveilles

Dans un espace fantastique, stérile et grotesque, une multitude de points blancs, jaune, rouges, de taille différente sur un fond sombre, comme l’étendue étoilée du ciel nocturne, se révèle. Des petits fleurs fragiles apparaîssent, leur puissance est incommensurable. Elles savent pénétrer dans les plus étroites crevasses des rochers, survivre, se reproduire, coloniser des espaces abandonnés et inaccessibles aux hommes. Elles persistent sur les étages alpins, à des hauteurs où l’on ne trouve plus de feuilles ni de conifères, sur les rochers au bord de la mer, elles poussent dans les ruines des bâtiments industriels abandonnés. Ce n’est que la découverte ou la redécouverte d’un trésor qui n’apparaît pas dans son immédiateté, mais qui révèle lentement aux yeux de ceux qui désirent rechercher et être surpris. On apprend à reconnaître l’infini dans le petit. Comme l’espace ne reproduit pas un environnement naturel réaliste, les fleurs ne sont pas choisies pour leur origine, mais pour leurs qualités particulières, qu’elles soient morphologiques ou physiologiques, et pour leur capacité à vivre sur un terrain pauvre ou extrème. Pour le visiteur, c’est une invitation au voyage, et aussi un moment pour faire une pause dans le festival pour se retrouver avec soi-même. Chacun peut y voir sa référence: les hauts cols des montagnes, les ruines après un tremblement de terre, le paysage du futur, une autre planète. Le promeneur devient observateur. Après un temps d’adaptation, chaque touche de couleur est une petite fleur ou un ensemble de minuscules fleurs qui sera là pour un moment: quelques jours, quelques semaines, quelques mois. En les regardant de plus près, il comprend leur morphologie, leur pouvoir. Le matériel mis en forme pour créer cette topographie imaginaire est récupéré des jardins de l’année précédente. Cette masse faite de roches, sable et débris est la base du projet, le fertilisant. Le but est pluriel: réduire le coût de construction du jardin, récupérer l’énergie perdue, sentir la masse, la matière et le poids. Devenez des Hippocrates, des Dioscorides, des Linnés en herbe en observant ces fleurs, leur couleur, leur forme, pour essayer de les classifier et de voir à quoi elles peuvent servir: ornementales, alimentaires ou thérapeutiques. Il faut savoir que nous ne connaissons qu’une très faible partie de celles ci et donc que vous pouvez à, l’occasion, découvrir une nouvelle fleur et lui donner votre nom. Elle figurera peut être dans cet espace.

  • Le Jardin des Merveilles

  • concours Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire

  • botanist: Beatrice Consonni